Longtemps rangée dans la catégorie des sujets importants mais à horizon lointain, la transparence salariale bascule désormais dans une toute autre dimension. À quelques mois de son entrée en vigueur en juin 2026, elle devient un impératif, non seulement réglementaire, mais également organisationnel et culturel.

À mesure que la directive européenne entre dans sa phase concrète, les entreprises vont devoir accélérer sur le sujet. Mais où en sont-elles réellement ? Et comment se préparent-elles à un changement qui dépasse largement la simple mise en conformité ? Eléments de réponse avec les résultats de l’enquête LHH « Observatoire annuel des rémunérations 2025-2026 »*.

*Enquête annuelle 2025 « Dernières tendances en matière de rémunération et performance sociale, tous secteurs », LHH

Transparence des remunerations

Un chantier qui commence par un diagnostic

Le premier enseignement est clair : avant d’agir, les entreprises cherchent à comprendre en mettant à plat l’existant. Près de 14,1 % des organisations ont lancé un diagnostic complet pour mesurer leurs pratiques à l’aune de la directive. Ce travail exploratoire devient un passage obligé pour savoir d’où l’on part, et où aller.

Dans la foulée, 12,1 % des entreprises se concentrent sur les analyses d’équité salariale liées à l’index de l’égalité professionnelle. L’évaluation systématique des écarts devient un réflexe, alors même que la France va faire évoluer cet index avec 7 nouveaux indicateurs obligatoires, dont les écarts sur les composantes variables ou la répartition par quartile.
 

La ministre du Travail a d’ores et déjà détaillé les nouveaux indicateurs qui seront pris en compte dans le futur calcul. Ils sont au nombre de sept et reprennent ceux listés à l’article 9 de la directive européenne sur la transparence des rémunérations :

  • L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;
  • L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ;
  • L’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes ;
  • L’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires ;
  • La proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires ;
  • La proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins dans chaque quartile ;
  • L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégorie de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.

Pour simplifier la tâche aux employeurs, le gouvernement projette d’automatiser la déclaration des six premiers indicateurs via la DSN (déclaration sociale nominative). Le dernier chiffre devra, quant à lui, être déclaré par l’entreprise tous les ans, si elle compte plus de 250 salariés, et tous les trois ans pour les entreprises de 50 à 250 salariés.

Transparence salariale 2

Les politiques de rémunération au centre du jeu

Un autre mouvement plus stratégique se dessine avec une progression dans les démarches de clarification des politiques de rémunération :

  • 11,7 % des entreprises réactualisent ou renforcent leurs référentiels emploi ;
  • 11,1 % revisitent leur système de classification ou de grading ;
  • 10,1 % clarifient ou formalisent leur politique de rémunération.

Derrière ces chantiers très techniques se joue un changement majeur : sortir d’une rémunération empirique, au cas par cas, pour basculer vers un modèle piloté, cohérent, explicable. Plus qu’une mise en conformité, cette transformation devient une condition de légitimité vis-à-vis des salariés, mais également des RH et managers, qui devront demain incarner et verbaliser les choix auprès de leurs équipes.

L’équité salariale n’est plus une option, elle devient mesurable

La directive transforme la notion d’équité en exigence mesurable. Mais seulement 7,7 % des entreprises renforcent déjà leurs analyses d’équité salariale en intégrant les nouveaux critères : responsabilités, compétences, efforts, conditions de travail. La méthode « multicritères » s’impose et change profondément la façon d’aborder le sujet de la rémunération. Elle permet désormais de :

  • Comparer objectivement des postes de même valeur ;
  • Faire émerger des écarts injustifiés ;
  • Définir un salaire de référence interne pour chaque profil ;
  • Piloter les rattrapages de façon structurée.

En d’autres termes, la discussion quitte le terrain du ressenti pour entrer dans celui des données objectivées.

Transparence salariale 1

La communication, le talon d’Achille des organisations

C’est peut-être le point le plus sensible. L’enquête révèle que seules 7,4 % des entreprises ont engagé des actions de communication ou de sensibilisation auprès de leurs collaborateurs. Un retard qui pourrait coûter cher lorsque l’on sait qu’une politique de rémunération non expliquée devient, très vite, une politique contestée.

Plus inquiétant encore, 7 % d’entre elles n’ont engagé aucune action à ce jour. Et dans un contexte où la directive va renforcer la capacité des salariés à demander et obtenir des justifications, il devient urgent pour les entreprises de se saisir du sujet.

Et demain ? Évaluer, développer, déployer

Face à ces constats, l’enquête identifie trois étapes pour réussir le passage à la transparence :

  1. Évaluer : faire un diagnostic sur la transparence, analyser les écarts, classifier les postes.
  2. Développer : fiabiliser la politique de rémunération, objectiver les critères, sécuriser les décisions.
  3. Déployer : communiquer et expliquer ses choix, former les managers, rendre la rémunération lisible et compréhensible.