La loi Rabsamen (Article L2141-5-1 du code du travail) vise à lutter contre la pénalisation des représentants du personnel et syndicaux en matière de rémunération.
La Cour de cassation, par deux arrêts récents, a précisé les modalités d’application de cette garantie.
Périodicité d’application de la garantie et détermination du panel de comparaison
Par un arrêt important du 20 décembre 2023 publié au rapport (Cass. soc., 20 décembre 2023, n°22-11.676) la cour de cassation a précisé les modalités d’application de cette garantie.
Ainsi, s’agissant de la périodicité de l’examen de la comparaison avec la moyenne des augmentations perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle, elle a jugé qu’elle devait avoir lieu annuellement (et non à l’échéance des mandats comme le laissait penser la lettre du texte).
Cette interprétation de la loi peut ainsi conduire à ce que les titulaires de mandat soient mieux traités que les autres salariés de leur catégorie professionnelle puisqu’ils bénéficieront, chaque année, outre des augmentations générales, de la moyenne des augmentations individuelles.
S’agissant du panel de comparaison, elle a retenu que :
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- les salariés relevant de la même catégorie professionnelle sont ceux qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l’entreprise pour le même type d’emploi ;
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- les salariés ayant une ancienneté comparable sont ceux engagés à une date voisine ou dans la même période (censurant ainsi des tranches fixes d’ancienneté de 5 années). Cette notion est assez imprécise. Selon le Défenseur des droits, « le panel de comparaison du personnel doit être composé de salariés embauchés à une date proche, dans un écart de 1 à 3 ans maximum ( Défenseur des droits, 17 mars 2021, n°2021-062 ; 13 mai 2019, n°2019-1094)
Types d’augmentations à prendre en compte
Par une nouvelle décision du 22 janvier 2025 (Cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-20.466) la Cour de cassation apporte de nouvelles précisions.
S’agissant du panel de comparaison, elle indique que, en l’absence de salarié relevant de la même catégorie professionnelle que le salarié titulaire de mandat bénéficiant de la garantie de rémunération, l’évolution de la rémunération doit « être déterminée par référence aux augmentations générales perçues dans l’entreprise, y compris lorsque certaines augmentations individuelles résultent d’une promotion entraînant un changement de catégorie professionnelle ».
S’agissant enfin des modalités de calcul, elle admet que les documents des négociations annuelles obligatoires puissent servir de base de référence pour calculer le pourcentage moyen des augmentations pour une année, peu important qu’ils ne distinguent pas entre les augmentations générales et individuelles et qu’ils prennent en compte les salariés présents au 31 décembre de l’année précédant l’année de référence, dès lors qu’ils correspondent à une période au cours de laquelle le salarié concerné dispose d’heures de délégation.
C’est donc à juste titre que le juges du fond ont pu en déduire que « le montant de l’évolution de la rémunération du salarié devait être calculé en soustrayant les salaires perçus par le salarié du salaire de base majoré du pourcentage moyen des augmentations moyennes telles que déterminées par référence aux documents des négociations annuelles obligatoires ».
En d’autres termes, le montant de la garantie de rémunération due est obtenu en appliquant le pourcentage moyen des augmentations sur une année au salaire de base du titulaire de mandat concerné, déduction faite des salaires effectivement versés.
Ces solutions jurisprudentielles montrent une certaine rupture avec le régime de la garantie de rémunération des femmes de retour de congé maternité (Article L.1225-26 du Code du travail) qui a inspiré la garantie d’évolution de rémunération des représentants du personnel.
Rappelons que si la garantie de rémunération n’est pas appliquée annuellement, la Cour de cassation semble admettre que cela constitue une discrimination syndicale ouvrant droit à réparation du préjudice subi et pouvant justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur ou la requalification de la prise d’acte en rupture aux torts de l’employeur.
Par ailleurs, si le salarié s’estime victime de discrimination, il peut déposer une plainte afin que les agissements dont il a été victime soient pénalement sanctionnés. Les discriminations sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende (225000 euros pour les personnes morales).